Oradour-sur-Glane.
Samedi 24 septembre.
Nous quittons le village de Vatan où nous avons fait étape avant de rejoindre Limoux.
Il fait beau et chaud et nous nous souvenons que lors de notre dernier passage par là, nous avions pensé visiter Oradour-sur-Glane.
Mais, cette année-là, il faisait vraiment mauvais et nous avons préféré passer notre route.
Cette fois donc, nous décidons de faire le crochet. Cela nous prendra tout au plus deux heures, pensons-nous.
Nous quittons l'autoroute et roulons vers Oradour dans une campagne calme et verdoyante. Difficile de s'imaginer des combattants dans ce cadre champêtre.
Et pourtant ... dès que nous apercevons les ruines sur la droite de la route, nous comprenons que nous arrivons sur un lieu de souffrance.
A l'accueil, nous sommes rassurés ... l'entrée est gratuite pour la visite du village dévasté. Au moins, personne ne fait de profit sur un tel drame!
A l'entrée du village, un panneau demande le recueillement et nous constatons, en effet, que les personnes présentes chuchotent ou sont silencieuses.
Une ambiance pesante qui me fait un peu penser à celle qui règne encore dans notre métro bruxellois quand il passe dans la station Maelbeek.
Certaines maisons sont tellement détruites qu'on a du mal à s'imaginer comment elles étaient avant.
Et puis, tout doucement, nous commençons à voir ce village autrement que comme des ruines.
Les gens qui vivaient ici devaient être assez aisés. Il y a beaucoup de voitures dans les garages. Plusieurs maisons (dont certaines probablement assez anciennes) ont des balustrades et des auvents en fer forgé. Un détail qui nous frappe ... dans beaucoup de ces maisons, on voit des machines à coudre.
Une ligne de tram relie le village à Limoges. En face de l'église, il y a deux hôtels et nous avons vu au moins trois écoles.
Les habitants devaient aussi bien se connaître et passer du temps à se raconter les derniers petits potins du jour. Non seulement, il y des cafés, mais il y aussi un café-boucher, un café-coiffeur, un café-épicier ... Le vie semblait douce à Oradour, jusqu'à ....
La gare.
... jusqu'à ce 10 juin 1944.
14 heures.
Pendant qu'une partie de l'escadron de la mort (comment dire autrement) encercle le village, l'autre partie rassemble les habitants, hommes, femmes et enfants sur le Champ de Foire. Soit-disant pour des contrôles d'identité.
15 heures.
Les Allemands séparent les hommes des femmes et des enfants. Ces derniers sont conduits et enfermés dans l'église.
Les hommes sont séparés en six groupes et conduits vers des granges ou des garages et surveillés par des soldats armés de mitrailleuses.
16 heures.
Une explosion retentit.
C'est le signal. Tous les soldats allemands tirent en même temps sur les jambes des hommes prisonniers. Ceux-ci s'écroulent les uns sur les autres. Ils sont ensuite recouverts de paille, de bois, de tout ce qui peut prendre feu, en fait. Les bûchers peuvent commencer!
Pendant ce temps, l'inquiétude doit être insupportable dans l'église où femmes et enfants entendent cris et explosions.
Mais, il va être temps de s'occuper de ces témoins gênants
Vers 16 heures deux jeunes soldats déposent un grosse boite sur l'autel et quittent l'église. Les cordons qui sont fixés à la boîte seront ensuite allumés, provoquant l'explosion de l'engin qui était dans celle-ci.
Cris, pleurs, rage, explosions, grondement du feu, insultes des soldats ivres ...
Ensuite, fumées, odeurs, silence, ruines, désolation ...
... restent les détails qui pincent le coeur.
Trois heures! Il ne leur a fallu que trois heures pour raser un village et sa population de la carte.
Il nous en a fallu presque autant pour la visite!
Seules quelques personnes ont pu en réchapper et ainsi témoigner de l'horreur absolue de cette journée.
Le crime n'est donc pas resté impuni.
Mais la question reste ... POURQUOI?
Vengeance face à la débâcle annoncée, erreur d'objectif, intimidation, représailles?
Après ce sujet bien difficile (mais un devoir de mémoire bien nécessaire), je vous retrouverai avec d'autres reportages aux sujets bien plus légers et des photos "Wouahhhh" (promis)
A bientôt.
Annick